La Saint-Valentin moderne nous permet de souligner l’amour sous toutes ses formes: une belle occasion, m’a-t-on appris, d’écrire dans des cartes Hallmark quétaines et d’offrir des petits chocolats dans une boîte en cœur. Pourtant, chaque 14 février, j’ai une pensée pour ces femmes qui souffrent mentalement, sexuellement ou physiquement. 

Par Emilie Major-Parent

 

 

Seule sur son cell

Dans sa plus récente Enquête sociale sur la solitude, Statistique Canada confirme que les jeunes femmes et les personnes n’étant pas en couple affichent les plus hauts niveaux de solitude. En effet, ce sont 29% des jeunes femmes contre 18% des hommes de 15-24 ans qui se sentent toujours ou souvent seul·es, augmentant leur risque de souffrir de dépression. Le 14 février, alors que les réseaux sociaux s’enflamment de déclarations amoureuses et de photos retouchées de couples à envier, toutes ces jeunes femmes se retrouvent d’autant plus vulnérables. Près d’une femme sur 6 dit se sentir anxieuse, déprimée, frustrée, en colère ou envieuse des autres lorsqu’elle utilise les réseaux sociaux.

 

Mais d’où provient toute cette mélancolie féminine? Je crois que le patriarcat systémique y est pour quelque chose. Après tout, combien de fois, petites, avons-nous entendu la phrase «Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants» ? L’endoctrinement Disney inculqué depuis l’enfance dicte inconsciemment aux filles d’aspirer à l’idéal patriarcal de former un couple hétéronormatif et d’être la femme-mère procréatrice pour «réussir» sa féminité, sa vie. Être seule à la Saint-Valentin ne nous soustrait pas de cet impératif lorsque tout ce qu’on souhaite c’est d’être dans la norme, au contraire.  

 

Un orgasme patriarcal

Qui dit Saint-Valentin dit… sexe après un souper romantique. Mais est-ce qu’il suffit que l’ensemble des participant·es soient consentant·es pour que la relation sexuelle soit égalitaire? Et bien non! Connaissez-vous le concept d’écart orgasmique? Chez les couples hétérosexuels, 95% des hommes réussissent toujours ou la plupart du temps à atteindre l’orgasme contre 65% des femmes! Pourtant, 86% des femmes homosexuelles y parviennent avec leur partenaire…

Mes recherches sur le plaisir féminin m’ont confirmé que tous les chemins mènent… au clitoris! Autrement dit, la fréquence et la qualité des orgasmes féminins étaient supérieures lorsque le clitoris était stimulé. De façon surprenante, c’est seulement depuis 2005 après sept ans de recherches que l’urologue australienne Helen O’Connell a offert une cartographie anatomique complète du complexe clitoridien. Son anatomie 3D circule depuis quelques années sur le web. Merci, Helen. Espérons que ces bonnes nouvelles contribueront à une meilleure égalité au lit!

 

Les rideaux fermés sur la violence

Au risque de terminer sur une note choquante, je tiens à rappeler qu’une femme est tuée chaque six jours au Canada par son partenaire intime. À la Saint-Valentin, on observe une augmentation de 20% des appels en lien avec la violence conjugale. Sachant que 80% des victimes n’ont jamais déclaré la violence subie à la police, beaucoup de femmes encaissent toutes les formes de violence dans l’ombre et le silence. 

La Saint-Valentin n’est pas rose pour toutes les femmes et nous avons la responsabilité collective d’agir. Éduquons les prochaines générations sur les stéréotypes de genre, sur la représentation réductrice des femmes dans les médias et sur l’importance du plaisir sexuel féminin. Sachons reconnaître les signes de la violence conjugale sous toutes ses formes. Parce qu’entre une boîte de chocolats et un pas de plus vers l’égalité de genre, je préfère la seconde option.