Jeanne Beaudoin naît en 1958 à Malartic, une ville minière en Abitibi au Québec. Septième de onze enfants, elle rêve de devenir écrivaine, poète ou journaliste. Elle aime la langue française, les langues et jouer avec les mots. Et elle rêve de voyager.

Jeune adulte et fraîchement diplômée de l’Université de Sherbrooke avec un baccalauréat en études françaises et théâtre d’animation, Jeanne arrive au Yukon le 30 mai 1982, le jour de ses 24 ans, pour un poste de guide interprète bilingue à Dawson. Cet emploi au Yukon lui permettra d’apprendre l’anglais. Elle travaille également comme monitrice de français dans les écoles du territoire, en plus d’enseigner le français aux adultes le soir.

Jeanne rencontre Mike Herdes, le père de ses enfants, à l’automne 1982 à Dawson. Ils auront trois enfants : Nicolas, en décembre 1985, Émilie, en octobre 1987, et Valérie, en juin 1994.

L’Association franco-yukonnaise (l’AFY) est officiellement constituée en 1982. Ce qui, au départ, est une initiative pilotée par une petite poignée de personnes dévouées devient une formidable entreprise collective à la réussite de laquelle Jeanne Beaudoin joue un rôle déterminant. Après son adhésion à l’AFY en 1984, son dynamisme naturel et ses qualités de chef font rapidement d’elle une des pionnières de la présence francophone au Yukon.

Jeanne travaille sans relâche à la mise en place d’institutions et d’organismes indispensables à l’essor de la communauté franco-yukonnaise. D’abord à titre de bénévole, puis d’employée et, enfin, de directrice, elle prend part à tous les combats pour élargir l’espace francophone et créer de nouveaux services en français : école, garderie, médias, développement économique, aide à l’emploi, arts et culture, soutien aux parents, immigration, etc. Jeanne est l’une des membres fondatrices du groupe Les Essentielles. La réunion de fondation a lieu dans la petite maison communautaire bleue et le premier projet du groupe est un livret de recettes.

Jeanne se bat, avec d’autres membres de la communauté francophone, pour que la gestion de l’enseignement du territoire relève des francophones, démarche qui a donné lieu à la création de l’École Émilie-Tremblay, de la Commission scolaire francophone du Yukon et de la première garderie francophone.

Dans son rôle de chef de file, Jeanne a toujours cherché à travailler en collaboration avec les partenaires gouvernementaux, communautaires et privés. En 1991, elle pilote l’instauration d’une politique de relations communautaires à l’AFY baptisée « Vivre ensemble en harmonie », qui vise à rapprocher les divers groupes culturels présents au Yukon en les sensibilisant aux réalités propres à chacun. Ce modèle s’avère si pertinent que l’UNESCO le reprend en 1993 comme projet pilote dans le cadre de la décennie mondiale pour le développement culturel.

Jeanne conçoit l’Association franco-yukonnaise en tant que guichet unique regroupant tous les services offerts aux francophones du Yukon. C’est pourquoi elle s’est attachée à optimiser l’efficacité des ressources et à réunir sous un même toit les services essentiels à la communauté franco-yukonnaise. Parties d’une maisonnette rose sur la rue Strickland, elle et son équipe ont assuré la construction, sur le même terrain, du Centre de la francophonie, l’emblème de la franco-yukonnie.

Pragmatique et toujours aussi passionnée, elle se joint en fin de carrière à la fonction publique du Yukon comme responsable des politiques et des communications à la Direction des services en français. Pendant près d’une dizaine d’années, elle travaille avec les principaux acteurs au sein du gouvernement territorial pour accroître et améliorer l’offre de services publics en français.

Après un départ à la retraite bien mérité en 2017, elle commence à faire du bénévolat au Centre des arts du Yukon. Un an plus tard, elle assume de nouveau la présidence de l’AFY, fonction qu’elle remplit jusqu’en 2021, avant de passer le flambeau. Elle reste cependant toujours aussi engagée par rapport à la franco-yukonnie, que ce soit à titre de bénévole lors d’activités spéciales, de commissaire aux mariages bilingue ou à titre de jardinière qui transmet son amour des semis chaque saison.

Au cours de ses quarante années d’engagement, elle exerce une influence inestimable sur la vie d’un grand nombre de francophones et cet impact se poursuit toujours. Sa contribution au bien-être culturel, linguistique, social et économique des Franco-Yukonnais et Franco-Yukonnaises est incomparable.

Au fil des ans, Jeanne reçoit plusieurs distinctions prestigieuses. L’Association franco-yukonnaise la couronne « bénévole de l’année » en 1987, 1995 et 1997. Elle reçoit une reconnaissance de la Direction de la condition féminine du gouvernement du Yukon en 1995 pour son dévouement au sein de sa communauté. Le Prix de la commissaire du Yukon lui est attribué en 1999 pour son service bénévole au sein de la francophonie. Les Essentielles lui décernent le Prix de la Femme engagée en 2001.

En 2012, on lui remet l’Ordre des francophones d’Amérique du Conseil de la langue française du gouvernement du Québec, qui reconnaît son engagement au maintien et à l’épanouissement de la langue française en Amérique. Pour souligner ses trente années au service de la communauté franco-yukonnaise, la publication de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne lui consacre en 2014 un hommage. Intitulé Portrait de la francophonie canadienne au féminin de 1914 à 2014, l’ouvrage présente cent femmes francophones à l’influence marquante au pays.

En 2017, elle reçoit le Prix boréal de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), pour sa contribution exceptionnelle au rayonnement et à l’épanouissement de la francophonie.

En 2022, Jeanne a l’immense honneur de se faire remettre l’Ordre du Yukon, pour sa contribution exemplaire au développement du territoire.

Au Yukon, Jeanne a trouvé une francophonie dont la vigueur la surprend. Le fait que la franco-yukonnie continue de grandir et de s’épanouir l’émeut encore. Cette francophonie, c’est un peu sa famille, et c’est pourquoi elle s’y est investie avec tant d’ardeur.
Photo
Jeanne Beaudoin
Crédit : Archives A.B.