Sandra Journeaux-Henderson naît en 1940 à Port-Daniel, dans le comté de Bonaventure, en Gaspésie. Elle est la cinquième d’une famille de huit enfants. Sa mère est d’origine écossaise, et sa famille (les McPherson) est venue de Nairn il y a deux générations. Son père est d’origine huguenote, et sa famille est venue des îles de la Manche, notamment l’île de Jersey, il y a deux générations également (les Journeaux et les Travers).
Enfant, Sandra parle le français et l’anglais. De religion protestante, les enfants Journeaux vont à l’école anglaise du village. Pour faire subsister la maisonnée, son père travaille comme pêcheur au printemps et à l’été, et comme bûcheron et fermier pendant les autres saisons de l’année. La famille a toujours bénéficié d’une vie confortable et heureuse, même pendant la guerre de 1939 à 1945. Sandra se souvient que, souvent, on ne pouvait acheter du sucre, de l’essence, du café et du thé sans billets de rationnement. Pour se procurer de la mélasse, la famille amenait ses propres contenants, qu’elle remplissait à même un tonneau au milieu du magasin. La famille a l’électricité en 1948; il s’agit d’une ampoule au plafond avec un cordon pour l’allumer et l’éteindre.
Sandra fait la plus grande partie de son éducation primaire et secondaire en anglais. Quand elle commence à enseigner en 1957, elle n’a aucune formation en éducation. C’est pourquoi elle est acceptée avec une lettre de permission émanant du ministère de l’Éducation du Québec. Elle accepte de continuer ses études afin de devenir enseignante qualifiée. À l’époque, les personnes non qualifiées étaient évaluées par un inspecteur du ministère de l’Éducation du Québec. Sandra a dû passer l’évaluation des inspecteurs pendant cinq années consécutives avant d’obtenir son brevet, ce qui lui permet d’enseigner au niveau élémentaire au Québec. Elle a réussi! Pour enfin devenir enseignante certifiée au niveau secondaire, il lui aura fallu presque vingt ans, en suivant des cours universitaires l’été. À Montréal, elle étudie la littérature française et obtient un baccalauréat ès arts à l’Université Sir George Williams en 1977, suivi d’un baccalauréat en éducation de l’Université McGill. En 1978, elle est acceptée au Plan Cloutier du gouvernement du Québec, pour étudier à l’Université de Montréal dans un programme destiné aux enseignants et enseignantes de français qui vise à améliorer l’enseignement de la langue de Molière dans la province.
Avant son arrivée au Yukon, Sandra passera 25 ans à enseigner le français dans les écoles publiques du Québec, de Terre-Neuve et de la Saskatchewan. En décembre 1980, elle répond à une demande du gouvernement du Yukon pour mettre sur pied un programme d’immersion française à Whitehorse. Pour elle, il s’agit d’un rêve enfin réalisé. Elle arrive au Yukon avec ses deux filles, Hayley Jean, née en 1970, et Jennifer, née en 1972, et son chien Andy au milieu de janvier 1981. Rapidement, elle commence à rencontrer des parents qui veulent inscrire leurs enfants au nouveau programme. Cela l’enthousiasme au plus haut point!
Le 2 février 1981, Sandra commence à l’école élémentaire de Whitehorse avec ses deux classes de maternelle, une le matin avec 17 enfants, et l’autre l’après-midi avec 16 enfants. Dans cette école, elle a le grand plaisir de parler uniquement le français dans ses cours de maternelle, puis de 1re, de 2e et de 3e année. Elle a trouvé vraiment merveilleux de réaliser le potentiel de ses élèves à vouloir parler français dans la classe et à l’extérieur!
C’est pendant l’inscription de ses élèves en immersion précoce que Sandra apprend qu’il y a, parmi la classe, un groupe de jeunes francophones qui s’inscrivent afin de se réapproprier leur langue maternelle. À l’été 1982, elle téléphone à presque tous les numéros de l’annuaire téléphonique de Whitehorse et trouve environ 60 parents francophones qui souhaiteraient avoir un programme de français langue maternelle à Whitehorse. Grâce à leurs réponses positives, elle forme un comité de parents engagés pour atteindre ce but. À la fin de 1982, avec l’aide et le soutien de l’Association franco-yukonnaise, ainsi que de son président Louis Rivest, une demande officielle est faite à la ministre de l’Éducation du Yukon. D’abord refusée par le gouvernement, la demande est finalement acceptée au mois de mai 1984. Le programme-cadre de français commence en septembre de la même année, avec deux professeures et une enseignante/orthopédagogue, pour des classes de maternelle à la 6e année.
Pendant ses premières années au Yukon, Sandra organise des camps d’été, notamment à Silver City, au parc national Kluane, et aussi à Whitehorse, pour offrir aux jeunes l’occasion d’apprendre le français à l’extérieur des salles de classe. Ces camps durent six semaines et connaissent beaucoup de succès.
Pour ses efforts de promotion de l’éducation en français pour les francophones au Yukon, Sandra est honorée en novembre 1986 par la Compagnie des Cent-Associés francophones à Ottawa. On lui décerne une médaille, ainsi qu’une écharpe qui rappelle la ceinture fléchée portée par les ancêtres francophones.
À l’automne 1989, Sandra a l’honneur d’être nommée à l’Ordre du Canada pour avoir travaillé à l’avancement du programme de français langue maternelle pour les francophones du Yukon.
Après cinquante ans d’enseignement, Sandra prend sa retraite en 2007. Elle est alors enseignante et directrice adjointe de l’École secondaire F.H.-Collins à Whitehorse.
Elle continue d’offrir des cours de français aux jeunes qui demandent son aide en raison de son expérience dans l’enseignement de cette langue. Elle demeure toujours aussi impliquée dans plusieurs comités d’éducation. Son seul et unique désir est d’améliorer les possibilités d’apprentissage pour les jeunes Franco-Yukonnais et Franco-Yukonnaises.
Le français lui a tenu et lui tient toujours à cœur. Encore aujourd’hui, à près de 85 ans, elle continue à promouvoir les programmes de français langue maternelle et langue seconde dans les écoles du territoire.
Photo Sandra Journeaux-Henderson
Credit: Sandra Journeaux-Henderson